Orages, ô désespoir !

Une nuit en enfer

24 septembre au matin…

Bon, j’irai droit au but : nous allons bien (quoique très fatigués) et Ti’amā aussi.

Cela étant dit, reprenons…


Hier soir, donc, je me préparais à aller me coucher, peu avant 20h. Brossage de dents en règle, déshabillage : c’est parti pour 3 h de sommeil fort attendu.

Il y a des orages à notre tribord, sur la côte espagnole, j’ai basculé le radar en mode « météo », il nous affiche les gros nuages électriques : c’est impressionnant ! Béa s’inquiète du développement de cette masse menaçante : avant d’aller me coucher elle me rappelle qu’il n’y a pas de honte à fuir un danger potentiel. Je la rassure en lui disant qu’en principe les prévisions météo doivent nous laisser ces orages à tribord. D’ailleurs le vent vient quasiment du Sud, ces orages sont a notre nord…

Cependant, les échos radars de taille considérable semblent venir au-devant de nous !

Allez, on se casse !

Barre à bâbord, on reprend le large direction Majorque. Le vent forcit, on a déjà pris un ris, Béa propose de rouler un peu le solent : c’est chose faite en un rien de temps.

Les deux moteurs en route, puisque nous sommes désormais presque face au vent…

On file 10 noeuds, les deux moteurs à haute vitesse. Quand soudain Béa me dit « moteur tribord, problème de batterie : je le coupe ? »

Cagade, au moment où nous en avons le plus besoin, l’un des moteurs nous lâche !

Il semble que sa batterie soit à plat et/ou que son alternateur 12V ne la recharge pas…

Béa, encore elle, me dit « le gennaker est en train de tomber ».

Le gennaker était roulé dans son sac, posé sur le trampoline bâbord. Avec le vent de face, la housse de gonfle, soulève cette grande voile. Je mets mon gilet et file a l’avant attacher tout ça plus fermement. Je reviens trempé ! Il me faudra une douche plus tard pour rincer tout ce sel.

On tourne, on s’écarte, on est rattrapés : je n’aime pas ça. Au bout d’un moment on se retrouve même avec vent du Nord ! Il doit y avoir deux masses d’air en conflit, on est entre les deux !

La mer est hachée, on prend des paquets d’eau sur le pont.

On prend un second ris, plein vent arrière, appuyé au moteur. Ça va mieux.

Et peu après le vent baisse drastiquement. C’est presque calme en comparaison.

On avait roulé le solent entièrement, on le déroule à nouveau. Puis on relâche notre second ris. Et le vent reprends ! Encore plus fort. Les orages nous rattrapent, on joue au chat et à la souris. A tribord, puisque nous faisons route vers le sud-ouest, les éclairs tombent de partout. Et l’image radar de cette masse orageuse semble vouloir nous engloutir.

Solent rentré une nouvelle fois, j’aimerais bien rentrer aussi la GV, pour le cas où le vent grimpe encore.

Mais la priorité est de fuir.

Il y a quelques bateaux sur la mer autour de nous : un cargo nous appelle et nous demande de changer de route pour passer derrière lui. Ce que je fais, en allant pile face au vent. Le moteur a 2400tpm nous nous traînons a 4 noeuds face à un vent de 20 noeuds…

On reste donc tous les deux en veille, dans le carré dont nous avions descendu la table en mode « lit ».

On essaie de fermer les yeux de temps en temps, en mettant un réveil toutes les 30 minutes. Et parfois je reste éveillé longtemps.
Nous affalons la GV : bien nous en a pris. Les rafales qui se sont abattues sur nous dans les heures qui ont suivi ont dépassé 25 noeuds. Au près. Vent apparent supérieur à 30. Pas sympa.

Et une mer secouée dans tous les sens : de quoi se rendre malade.

Ti’amā est secoué comme une bouteille d’Orangina. Il grince de partout, on entend des trucs qui cognent, d’entre choquent. Notre rangement de bouteilles a subi quelques outrages : il ne semble pas y avoir de casse…

Les heures passes.

Longues.

Épuisantes.

Illuminées par les orages autour de nous.


Vers 5h, une cellule de forme devant nous : nous sommes prisonniers. Le monstre réclame sa proie…

Une trouée sur tribord, vers l’ouest : je tente ma chance : c’est un succès…

On met le pilote sur un cap vers le sud et on essaie de dormir, histoire de récupérer. Le vent est toujours très fort, mais on l’a derrière nous. Les vagues sont désordonnées mais pas si hautes : suffisantes pour que Ti’amā rebondisse dessus avec énergie…


Vers 8h, le jour levé, nous optons pour repasser sous voile, avec le spi symétrique dédié à ce type de vent. 15 a 20 noeuds dans le dos.
Établir cette voile est un peu sportif par ce temps, mais on y arrive juste avant de passer les îlots de Columbretes, que l’on laisse sur notre bâbord.

J’avais baissé le régime moteur dans la nuit, pour moins cogner les vagues : nous avancions à presque 6 noeuds.

Le spi établi, nous filons 8 à 9 noeuds, en silence.

Voilà, notre nuit en enfer s’est finalement bien terminée.

Les infos météo que j’avais prises en fin d’après-midi ne me laissaient pas envisager une telle situation. Ti’amā a fait face, nous aussi, tout le monde va bien.

Pour notre première petite traversée, on est servis !

Une après-midi sereine 20h.

Nous avons passé la journée sous spi symétrique, plein vent arrière ou presque. Pas de GV. On avançait à environ 8 noeuds sous un vent de 15 à 20 noeuds. Agréable.
Surtout après la nuit précédente.

Vers 17h30 Béa a demandé à rentrer le spi tant qu’il fait jour.

Il nous aura fallu 2h pour descendre et ranger le spi en soute, descendre le Code 0, le mettre dans son sac et l’attacher, hisser la grand voile, établir le solent. Et ranger tous les cordages.
Puis constater que le vent est médiocre, 10 noeuds, et que nous aurions avantage à établir le gennaker. Ce qui fut fait.
On avance péniblement a 5 ou 6 noeuds, mais ça nous va bien.

Le vent météo vient de notre bâbord sous 130°, ce qui donne 90° en vent apparent. Il souffle a 10 noeuds, 7 en apparence et on navigue a 6. C’est bien.

On a allumé nos feux extérieurs : le feu de nav vert à bâbord ayant grillé, on fait ce qu’on peut pour être vus…

Enfin, j’ai sécurisé l’annexe qui menaçait de tomber a l’eau : son mousqueton d’attache arrière sur les bossoirs a été plié et a cassé sous la tension. Par gros temps, avec le tangage, le moteur est pris dans les vagues et tire trop fort sur l’installation. Les bossoirs en carbone sont fendus, bons à changer.


Ce soir, moussaka, paté et rillettes.Et dodo…

En début de nuit, avant 23h je pense, on va rouler le gennaker, passer sous solent et prendre un ou deux ris dans la GV. Il est annoncé du vent fort pour la nuit, avec des rafales dépassant 25 noeuds. Un ris au portant devrait suffire. Et on roulera un peu le solent à la demande.

Arrivée prévue demain matin ? Espérons qu’il y a de la place à la marina…

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